L’alimentation à Mayotte ; des enjeux pour la santé, l’écologie et le faire communauté

La santé de l’écosystème lagunaire comme celle des habitants de l’île est aux prises avec l’évolution des pratiques de consommation. Regard sur les dynamiques qui façonne la terre et les rapports que l’on a avec elle.   

Cet article est le résultat d’un terrain majoritairement observatoire de trois semaines, courant aout 2020, sur l’île de Mayotte. Sous mon œil d’étudiante en Anthropologie sensibilisée aux questions écologiques et sanitaires ( tant sur le plan personnel qu’universitaire), le littoral de l’île m’a intrigué. A la beauté du lagon, au miracle des émergences de tortues, se substitue rapidement le choc d’une pollution plastique massive. Comment expliquer cette omniprésence de bouteilles et emballages en tout genre sur les plages, les routes, et même en haut du mont Bénara, point culminant de l’ile ? La première cause de cette situation, d’après les habitants rencontrés, est la mauvaise gestion des déchets. Le caractère insulaire du territoire et sa densité de population très forte rendent en effet complexe la collecte, le tri, le stockage puis le recyclage des déchets. Mayotte est composée de deux îles d’une superficie totale de 374 kilomètres carré et ne possède qu’une seule décharge sur Grande-Terre. Ainsi de nombreuses décharges sauvages voient le jour le long des routes ou dans les espaces cultivables et forestiers. Les écosystèmes y sont directement impactés. Les discours des enquêtés quant à cette situation oscille entre la responsabilité individuelle, collective et celle de la collectivité.

la gestion des déchets

Les différents acteurs concernés se renvoient la balle, ce qui semble avoir empêché une réelle évolution jusqu’à présent. Les usagers sont remis en cause car c’est eux qui déposent leurs déchets sur des zones inappropriées, la collectivité territoriale est quant à elle accusée de ne pas mettre en place assez d’espaces de tris et de ne pas pousser les entreprises de collecte à un ramassage plus fréquents. Il n’y a que très peu de conteneurs poubelles par rapport au nombre d’habitants, ce qui crée une saturation rapide. De plus, ceux-ci se situent généralement dans les quartiers construits en dur alors que la densité de population y est moindre que dans les « bengas » environnantes. C’est devant ces espaces d’urbanisation sauvage, construit en taule, généralement sans eau courante ni électricité et avec seulement une estimation du nombre de personnes pouvant y vivre (une grande partie étant issue de l’immigration illégale des Comores) que se retrouvent les monticules de déchets les plus importants. A noter que ordures ménagères, encombrants et déchets d’équipements électriques et électroniques n’y sont pas vraiment distincts les uns des autres (contrairement à leur définition par le service public). Sur Petite-Terre qui a été le terrain principal de cette recherche, j’ai pu remarquer le non ramassage de ces déchets, les habitants ont plusieurs fois exprimés leur mécontentement à ce sujet, accusant les grèves qui se multiplient dans les entreprises de collecte et leur mauvaise volonté à la résolution du problème. Le fait que la seule décharge de Mayotte soit sur Grande-Terre a aussi été évoqué et critiqué. Nombreux sont ceux qui ne possède qu’un deux roues, ou qui n’ont pas de véhicule du tout, rendant impossible le cheminement des encombrants de leur habitation à la décharge Grande-Terrienne en passant par la barge qui relie les deux îles.

Il existe donc une certaine controverse qui se retrouve régulièrement dans les unes locales. Le 19 mai 2019 par exemple, Mayotte première publiait un article titré « Pas de tri, pas de ramassage des déchets » et dont l’introduction va à l’encontre des usagers : « chaque année, des millions sont investis dans la gestion des déchets à Mayotte. Les infrastructures progressent mais les mentalités ne changent pas. ». On y apprend que dans les quartiers des Haut-Vallons à Mamoudzou (Grande-Terre), sont testés des conteneurs semi-enterrés dont la capacité est 20 fois supérieurs au bacs habituels, pourtant, les déchets sont toujours jetés à même le sol et mêlés à des déchets industriels provenant d’entreprise du bâtiment. Rien que dans les deux zones test de Mamoudzou, 300 000 tonnes de déchets par an sont produites, le travail fourni par la cadema (service de l’intercommunalité entre Mamoudzou en Dembeni) qui doit trier ces mini-décharges sauvages est donc énorme. Les deux entreprises de ramassages présentent sur Mayotte (la Star et Enzo recyclage) refusent quant à elles, la collecte des déchets lorsqu’ils n’ont pas été correctement trier. Cette revendication est, pour les usagers rencontrés, un des facteurs qui bloquent la situation. Nous remarquons qu’encore une fois, la responsabilité, n’est pas  endossée par la totalité des acteurs concernés (publics et privés), mais repoussé d’un acteur à un autre. En plus d’être un sujet de la presse locale, des groupes d’usagers se forment sur les réseaux sociaux pour témoigner des problèmes rencontrés. L’incivilité des habitants est très régulièrement remise en cause sur ces différents supports d’expression.

Pollution et santé,quels liens?

Le réseau de distribution d’eau est un facteur aggravant à la pollution endémique du département. Au-delà des déchets déjà évoqués, il existe une pollution chimique des cours d’eau, puis de l’océan. Cette dernière est engendrée notamment par les lessives ou les nettoyages de voitures qui y sont pratiqués avec des poudres très phosphatées, et ce, par la grande part de population dont les habitations sont précaires à insalubres, et non reliées à l’eau courante.² Durant la saison des pluies, ces cours d’eau vont augmenter et déborder entrainant dans les ravines³ les déchets qui y sont laisser en quantité. Le tout est charrier jusque dans le lagon (qui est une source alimentaire grâce à la pêche).

En ce qui concerne les habitations disposant de l’eau courante, il demeure de nombreuses périodes où l’eau est coupée pour maintenance ou pour limiter la consommation en période de sécheresse. Cela aura un double impact sanitaire et écologique. En effet, l’achat de bouteilles et de bidons d’eau potable massif (jusqu’à la rupture de stock régulière), engendre encore plus de déchets. Cela a également pour effet d’augmenter la consommation de sodas. Ces produits qui bénéficient déjà d’une image d’aliment « de luxe », lié au mode de vie métropolitain et plus largement, occidental. Très prisés par la population jeune, c’est encore des emballages qui se retrouverons, au mieux, dans les tas de déchets omniprésents, au pire, directement sur le sol. A travers cet exemple, se dessine la problématique de la mal nutrition que nous allons approfondir à présent.    

            Le système de valeurs et les pratiques à l’origine de cette problématique des déchets sont à étudier pour mieux appréhender la situation dans toute sa complexité. Nous nous pencherons particulièrement sur les déchets liés à la consommation de denrées alimentaires. Elle est la plus frappante car plus visible et plus palpable que les pollutions chimiques. C’est également celle que l’on retrouve le plus dans les espaces naturels. C’est aussi la référence majoritaire des enquêtés quand ils évoquent l’incivilité de leurs concitoyens. Le mode d’alimentation pourrait donc être remis en cause quant à l’empreinte plastique laissé sur l’ile. Sur le long terme, cela laisse également une empreinte sur l’état de santé des habitants.⁴ Outre les microplastiques qui vont progressivement envahir le lagon, la nourriture suremballée est peu fraîche, peu variée et sur le long terme néfaste pour l’organisme. Elle est souvent ultra-transformée, avec l’ajout de nombreux additifs et des taux en lipides et glucides très élevé qui font connaitre comme effets immédiats une hausse du surpoids (principalement chez les femmes dont les activités quotidiennes traditionnelles sont moins physiques) et des maladies chroniques associées. La malnutrition et ses conséquences (sanitaires et écologiques) s’ancrent dans un rapport à l’environnement façonné par une sédentarité occidentale transposée sur un territoire aux problématiques qui lui sont propres (insularité, densité de population, insalubrité des habitations…).

Le maraichage, l’autre alimentation de Mayotte

« Ici on est passé de l’âge de pierre à l’âge de bière ! »

Voilà ce que dira un moniteur de plongé en évoquant sa colère de devoir ramasser des dizaines de bouteilles lors de ses sorties en mer. Pour lui, les habitants sont incapables de recul sur leur consommation car le passage d’un mode de vie primitif à consumériste s’est fait sans transition. Il évoque une vision idéalisée de la métropole et de l’occident, les modes de vie qui y sont associés seraient symbole de réussite. Outre le caractère évolutionniste de la citation, il semble intéressant d’interroger le dualisme et l’opposition entre traditions et occidentalisme qui est fait de manière plus ou moins consciente par les enquêté.e.s (mahorais.e.s ou expatrié.e.s).     

Bien que plusieurs firmes de grandes surfaces soient présente à Mayotte, la vente de rue de fruits et de légumes reste un moyen d’approvisionnement en denrées de base (manioc, bananes plantains, fruit à pin, piments, ail, ognons, carottes, tomates, salades, ananas mais aussi parfois volailles et poissons). La production est alors généralement locale et à échelle familiale. Le long des routes, de nombreuses parcelles se devinent derrière les barricades en feuilles tressées ou en taules. Les pratiques alimentaires, en plus d’être facteurs de la santé, peuvent être de puissants vecteurs du lien à l’environnement et à la culture locale. Questionner l’accès à une alimentation variée, fraiche et saine me pousse donc à étudier les pratiques agricoles. La préservation des terres semblent prendre un double sens : préserver aussi bien la qualité des sols (limiter la pollution de l’eau et la création de ravines) que les pratiques et savoirs ancestraux. Protégé la terre et le foncier apparaisse en première motivation, mais la bonne santé se dessine en arrière-plan chez certains acteurs.

            Lors d’une randonnée, un homme nous proposera de visiter sa petite parcelle de culture à l’orée de la zone urbaine de Dembéni. Derrière le Benga où il vit, il travaille un espace de la taille d’un quart de terrain de football, il semble la partager avec quelques autres agriculteurs. Différentes variétés de plantes (piments, manioc et curcuma sont reconnaissables et présents en majorité) sont cultivées dans des zones rectangulaires juxtaposées. La barrière de la langue nous empêchera d’en savoir plus mais on perçoit une certaine fierté à présenter aux M’zoungou (les expatriés blancs) son labeur quotidien. Cette agriculture traditionnelle Mahoraise ou chaque famille dispose d’un terrain à exploiter (que ce soit dans le milieu rural ou urbain) était largement majoritaire en 2002 et l’est encore aujourd’hui.⁵ Afin de faire comprendre la valeur patrimoniale de ces méthodes, certains agriculteurs qui possèdes des superficies plus grandes, décident d’y appliquer les mêmes méthodes (plutôt que la monoculture de bananes par exemple, qui aux premiers abords a un bon rendement). Des visites y sont alors organisées. Cela permet une rentrée d’argent supplémentaire tout en gagnant en reconnaissance et donc en poids auprès des institutions régionales. Ma rencontre avec Anwar, au sein de son exploitation « le jardin d’Imany », va être une source importante d’information.

L’exploitation d’Anwar est mise en avant dans la presse et par lui-même via de la communication sur les réseaux sociaux. Sa démarche s’ancre dans une volonté très actuelle de rendre l’ile attractive, ce qui repose majoritairement sur l’écotourisme et la valorisation des patrimoines naturels et culturels. La visite commence par une petite leçon d’histoire sur Mayotte, suivi de l’histoire personnelle du propriétaire des lieu. Établi en métropole, travaillant dans une agence de sécurité, Anwar revenait régulièrement sur l’Ile afin de voir ses proches. Les terres où nous nous trouvons sont celles de son grand-père, présenté comme le patriarche de la famille. A travers leurs échanges, il laisse entendre à son petit fils ses inquiétudes quant au devenir de ces terres après son décès. Lorsque cela arrive en en 2014, Anwar se réinstalle à Mayotte pour profiter des parcelles dont il hérite. Il finira par racheter celles héritées par d’autres membres de la famille (sa tante, son oncle…). Cette nouvelle vie est décrite par le principal intéressé comme « dure, mais saine ». Le travail est physique et son alimentation basée sur les produits de l’exploitation ; ce qui lui fait rapidement perdre le poids pris lors de ses années à Marseille. Ce projet demande de l’investissement (corporel, financier et temporel), de la préparation mais ne cesse de se développer. Au gré des aides gouvernementales, de la participation du voisinage et de la famille, et avec le soutien mutuel d’autres agriculteurs, l’exploitation prend forme. L’accueil des visiteurs devraient pouvoir se prolonger la nuit avec des habitats écologiques sur places, et l’autonomie alimentaire à 80% est visée (pour la famille du producteur et les personnes accueillies). La production de volaille est la prochaine étape vers cet idéal, bercé par les souvenirs d’Anwar et la présence encore marquée de son aïeul. Cet homme était un Fudzi (homme sage et pieu dans la religion musulmane), l’alcool et la drogue n’auront donc jamais leur place sur ces terres. Son grand-père était pour Anwar « LE mahorais ». Il est question pour lui de l’essence même de sa culture et de son île, ce qu’il faut absolument préserver sinon:

« avec nos anciens, le patrimoine disparaît… »

Une préservation de l’environnement qui découle d’une préservation patrimoniale

Avec quelques arrangements modernes (lancements de coopératives de producteurs, installation de panneaux solaires, visites pour les touristes mais aussi les scolaires…), Anwar veut faire perdurer le “Mayotte d’antan”. Son appréhension de l’environnement passe par une synesthésie nostalgique des odeurs, des couleurs, du toucher et même des sons dont les productions de café et de riz étaient à l’origine. Ses souvenirs d’enfance sont empreints de ces pratiques qui tendent à disparaitre au profit de l’importation. Plusieurs valeurs s’accrochent à la culture du « jardin Mahorais », la solidarité y tient une place majeure comme ciment du groupe. De plus il faut reconnaître:

« […] l’importance que revêt l’appartenance à un groupe socialement reconnu. Elle permet de recevoir de l’aide en cas de problème financier et de pouvoir effectuer, grâce à l’entraide, des travaux qui seraient irréalisables du fait de la faiblesse des revenus monétaires. L’intégration dans ces organisations collectives, considérée comme une richesse, est aussi une condition indispensable à toute ascension dans la hiérarchie villageoise »

Lossh Bruno, Sourisseau Jean-Michel, 2002⁶

L’appréciation du terroir Mahorais est aussi centrale dans la démarche d’Anwar: reconnaitre la qualité de la terre qui est « ancienne » et reste malléable même après 4 ans sans être retournée ; l’atmosphère climatique qui protège Mayotte des cyclones qui balayent les îles voisines ; et enfin la beauté des paysages qu’il contemple jusqu’à plusieurs heures par jour. On perçoit chez lui une volonté de faire partie de ce décor, de ne pas y toucher, d’y appartenir, à l’image ce qu’aurait vécu les générations passées. Cela est à la fois présent dans le discours et dans la manière de cultiver, proche de la permaculture (en pleine essor en métropole depuis quelques années). Anwar a à cœur de ne pas être contraint par le rendement, il n’y donc ni traitements, ni arrosage, ni même désherbage des plantes considérées classiquement comme mauvaises. La notion de nuisible n’a pas sa place dans cette conception du jardin mahorais, toutes les espèces (animaux, végétaux et humains) doivent s’accorder sur le partage des ressources. Une part de la production peut donc être manger par les cochenilles, cela fait partie d’un cycle, d’un équilibre naturel contre lequel il est vain de lutter. On entrevoit ici, la recherche d’une harmonie au sein de l’écosystème auquel on appartient, une écologie ui tranche avec la notion d’anthropocène ou d’égosystème où l’humain est placé au centre des rapports inter-espèces. Il s’agit plutôt pour l’enquêté d’y trouver sa place, de préserver les ressources de l’organisme vivant qu’est son terrain agricole, tout en préservant les ressources de son propre organisme (manger sainement, ne pas consommer de substances illicites, travailler la terre sans s’épuiser dans des taches inutiles). Anwar espère faire labelliser sa méthode qui repose notamment sur la rotation des cultures mahoraises (ananas puis piments qui n’ont pas les mêmes besoins par exemple).

Mes échanges avec Anwar sont marqués par un regard critique sur l’évolution de la consommation dans le département. Ainsi, avant le boom démographique, l’île n’aurait jamais connue de pénurie alimentaire, elle était d’ailleurs connu comme le grenier des Comores. Les années 1980 et 1990 sont marquées par la création puis l’expansion du port et des magasins. Cela a rendu l’accès à la nourriture :

« plus simple, mais moins sain .»

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Il semble pertinent de développer ici ce que peut inclure le terme « sain » : il y a à d’abord la dimension sanitaire alimentaire. Le terroir Mahorais possède une large variété de plantes que l’on peut inclure dans l’alimentation quotidienne pour limiter la consommation de produits transformés et importés. L’empreinte écologique massive et l’apport nutritif plutôt mauvais de ces habitudes alimentaires est remis en cause. Viens ensuite le fait que la production agricole à échelle familiale permette une activité physique régulière qui inculque un respect de la terre, de son histoire, des valeurs qui y sont rattachées et du travail des agriculteurs. L’idée étant d’atteindre un état de bien-être répondant à l’adage “Mens sana in corpore sano“. A noter également que le vol dans les plantations est problème omniprésent (pour Anwar, c’est 70% de perte sur la production avec une surreprésentation du vol face au perte naturelles); les auteurs ne peuvent être d’après lui, que des individus qui ne connaissent pas ces aspects primordiaux de la culture agricole. L’apprentissage de l’environnement lui semble nécessaire à l’apaisement situation générale de l’île et à la préservation d’un peuple en bonne santé. En repensant à son bonheur contemplatif devant le paysage de son exploitation, on comprend que le travail de la terre prenne pour lui a forme d’une méditation collective. Il est question d’assainir l’environnement, le corps et l’esprit par le biais de relations de confiance entre les différents habitants de l’île.

Conclusion, quid de l’éducation aux écologies.

Anwar conscientise les différents aspects de sa pratique maraîchère, lui donnant ainsi une dimension écologique,sanitaire, socio-culturelle et parfois presque spirituelle. On peut se demander si l’on retrouve, dans tout les ménages où la culture est vivrière, la même tendance. Le fait d’avoir quitté l’île et vécu en métropole est un facteur à prendre en compte dans son appréciation de la richesse culturelle et naturelle de l’île. On peut ressentir une volonté de marqué son appartenance à un territoire spatial, historique et communautaire. La volonté d’Anwar, et des autres agriculteurs mobilisés, à faire démonstration des savoirs-faire et du savoir vivre mahorais auprès de la population jeune, traduit leur crainte face au désintérêt de cette dernière. La revalorisation des méthodes agricoles traditionnelles est au centre de plusieurs enjeux : garder le réseau de solidarité déjà présent ; faire vivre le collectif sur l’ile de manière consciente et officielle; mobiliser l’aspect « folklorique » afin de développer le tourisme et de créer de l’emploi pour les Mahorais; entrer dans une démarche patrimoniale par le biais d’une reconnaissance globale et de recherches scientifiques.

Préserver l’agriculture raisonnée et sociale de Mayotte tout en la modernisant est une des réponses possibles aux défis alimentaires et environnementaux de l’île. Elle a la particularité de faire des locaux des acteurs majeurs, entrant dans un processus de d-écolo-nisation. En effet, il semblerait qu’au sein des démarches écologiques les plus visibles (dans la presse, sur les réseaux sociaux) ainsi qu’à la source des campagne de sensibilisation (affichage massif dans les transport en commun et sur des panneaux publicitaire quant à la préservation du lagon), les métropolitain.e.s, blanc.he.s sont largement majoritaires. Sur le plan individuel, cela donne lieu à des initiatives comme des “randoClean” et la ventes de produits zéro déchets. Les populations les plus précaires (Mahorais et surtout Comoriens) sont clairement excluent. Sur le plan institutionnelle, la surréprésentation des “expats” donne lieu à des campagnes de sensibilisation parfois déconnectées de la réalité des habitants. Le problème majeur restant l’aspect paternaliste et néocolonial du discours écologique institutionnel. En ce qui concerne l’éducation à l’écologie au sein de l’éducation nationale, encore une fois elle se fera par le biais d’enseignant.e.s métropolitain.e.s, ainsi, les blanc.he.s sont toujours c.elle.eux qui apportent le savoir écologique. Pour palier à cela il faut permettre aux locaux, l’accès à des postes d’importance majeure dans la construction et le développement du bien-être de la communauté insulaire.

Le centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte, localisé à Dembeni, met l’accent sur sa licence sciences de l’éducation et les master MEEF (métier de l’éducation, de l’enseignement et de la formation). L’idée étant d’offrir aux élèves Mahorais, des enseignants qui maîtrisent leur langue maternelle (généralement le Shimaoré), connaissent leur mode de vie et leur culture. Cela semble la condition sine qua non à une évolution positive de la situation environnemental, propre au territoire et à sa population.Il faut cependant relativiser car ces études supérieures ne comptabilisent que peu de places par an aux vues du nombres d’habitants. La difficultés de maintenir un parcours scolaire dans le primaire et le secondaire sont aussi des freins à cette “Mahoraisation” de institution. Malcom Ferdinand⁷ nous donne une clé de lecture de ces problématiques et met en évidences le basculement d’une vision des population insulaires comme les premiers protecteurs de l’environnement (qu’il faut cependant civiliser et en-culturer), aux premiers pollueurs qu’il faut éduquer à l’écologie. Cela est clair quand on repense au propos du moniteur de plongée évoqués précédemment: “ici on est passé de l’âge de pierre à l’âge de bière“. Ce type de discours invisibilise des Mahorais qui créent des possibles propres à leur territoire, à ses caractéristiques naturelles et culturelles, à l’instar d’Anwar.

La médiation sociale semble être une des solutions “locales” proposées pour, non seulement apaiser les conflits autour de la gestion des déchets (et toutes les problématiques de logement, d’accès à l’eau qui s’y imbriquent), mais également pour sensibiliser quant à la préservation de la la santé du lagon et de ses populations (faune, flore, humains). Les Animateurs en santé communautaire (formé par DU du même nom, ce qui traduit bien la volonté inhérente au centre universitaire de Mayotte de donner la voix aux habitant.e.s) peuvent être acteurs clés pour recenser les problèmes que rencontre la population. Cela s’appuie sur une transmission non verticale, qui passe par l’oral (idéal aux vues du très haut taux illettrisme chez les adultes). L’animation et médiation sont à la fois des supports éducatifs et des outils réflexifs. Les acteurs et actrices qui y sont engagées, en amenant leurs points de vue peuvent apporter une lecture plus claire. Cela sera à approfondir lors d’une prochaines recherche.

Je conclurais en ajoutant que la connaissance du milieu est nécessaire à sa préservation. Les connaissances scientifiques (et encore une fois institutionnelles) sont valorisées et priment sur sa connaissance endémique, l’Anthropologie peut ici créer un pont entre les deux. Ainsi, j’envisage un projet de thèse sur les éducations à l’écologie à Mayotte en prenant soin de distinguer l’écologie de soi, du groupe et de l’environnement. Nous l’avons vu au cours de cette présentation des premières observations de terrains, ces trois dimensions sont présentes. Les recherches en sciences sociales peuvent avoir leur rôle à jouer en analysant la situation socio-écologique de l’île et en donnant ainsi, des pistes pour les acteurs-actrices sur le terrain.

  

1. toutes les photographies sont libres de droit. [↩]
2. Livret d’information à l’usage des candidats à un poste d’enseignant du second degré à Mayotte édition 2021 de SNES FSU Mayotte [↩]
3. A lire sur le sujet : « Mayotte : dans les poubelles-ravines du bidonville de la Vigie », par le journal en ligne clicanoo.re [↩]
4. Le lien n’est pas fait entre ces deux sujets par les habitants. Cependant, il s’agit d’un sujet d’inquiétude pour les institutions de santé locales. En 2018 le PPAM (plan pour l’avenir de Mayotte), fait de la santé un secteur majeur avec un renforcement de l’offre des soins, une pérennisation des postes dans le médical et paramédical, une plus grande offre de formation dans le domaine, une amélioration de la couverture santé et la création d’une agence régionale de santé structurée et disposant de moyens. Le premier projet de l’ARS cible, avant la santé sexuelle, l’alimentation. Sur le terrain, cela représente la formation d’animat.rice.eur.s en santé communautaire via un diplôme universitaire, qui auront pour mission de construire et d’animer des projets de sensibilisation et de prévention santé an contact direct de la population. -informations disponibles sur mayotte.ars.sante.fr- Promouvoir un alimentation plus fraiche et plus saine est donc une priorité pour ces nouveaux act.rice.eur.s de la santé. [↩]
5. Lossh Bruno, Sourisseau Jean-Michel, Quels place et rôles pour l’agriculture à Mayotte ? bilan-diagnostique du développement local, CIRAD, 2002 [↩]
6. Lossh Bruno, Sourisseau Jean-Michel, Quels place et rôles pour l’agriculture à Mayotte ? bilan-diagnostique du développement local, CIRAD, 2002 [↩]
7. Malcom Ferdinand “Une écologie décoloniale, penser l’écologie depuis le monde caribéen” éditions du Seuil 2019 [↩]

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